jeudi 11 février 2010

COCO ET MIKE EN ARGENTINE

Qu'ouïs-je ? Tous les vents du monde se retrouvent un jour dans le sud de l'Argentine et amènent avec eux les rumeurs et les chuchotements qu'ils ont entendu aux quatre coins du monde, par delà les frontières et les océans, pour dénoncer l'ignominie de ceux qui ignorent tout du bon goût. Et si le vent souffle si fort dans la pampa, c'est sûrement pour crier sa colère et son incompréhension. Car mes chers compatriotes, le désert m'a livré une bien triste nouvelle, le touriste français est reconnu à l'unanimité "pire touriste du monde" par les pays qui l'entourent... C'est pourquoi, avant même d'entamer cet article, je me dois de rétablir la vérité au nom de tout ceux qui ont le sens des priorités lorsqu'ils voyagent.

Je m'explique. Depuis sa plus tendre enfance, le Français, même moyen, est bercé par la douce odeur du Bourguignon qui mijote à feu doux, ses papilles gustatives atteignent l'extase lorsque pour la première fois ses molaires sont assez longues pour croquer dans le meilleur pain au monde, son bulbe olfactif s'affole quand son nez se plonge dans un verre de Bourgogne, son œil brille chaque fois qu’il voit le fumet s'élever de son assiette.... Et puis un jour, le Français, tel que je vous le décris, ses sens surexcités, se lance à la conquête de contrées lointaines... Malheur à celui à qui le voyage a donné grand faim et qui se rue plein d'allégresse dans le premier restaurant qu'il croise sur son chemin. L'atterrissage est souvent brutal et la déglutition forcée. On accuse le touriste français d'être pingre et arrogant mais soyons clairs messieurs les hôteliers, pour obtenir une petite pièce et une révérence de la part de celui qui est réputé avoir le sens du bon goût, il faudrait déjà avoir du palais.

Le sujet mériterait d'être plus amplement développé ne serait-ce que pour nos voisins britanniques qui n'ont aucun mérite à être courtois quand on connaît la composition de leur alimentation de base, mais revenons en à nos moutons, ou plutôt à ceux qui peuplent la Patagonie car c'est bien là l'objet de mon récit. Il existe encore en ce bas monde des endroits ou la nature a su conserver ses droits à force de caractère et à renfort de vents violents en provenance de l'Antarctique repoussant vers le Nord tout projet d'urbanisme. En Patagonie australe, on trouve moins de 3 habitants au km², la plupart descendant des premiers colons européens à qui le gouvernement a offert des terres, du bétail et un toit au début du XXème siècle dans le but de peupler les frontières de l'Argentine et ainsi décourager les assauts chiliens visant à conquérir le territoire.

Avant eux, seuls quelques tribus indiennes peuplaient ces terres hostiles balayées en permanence par des rafales de vent glacées. On dit que le vent rend fou, j'en suis convaincue depuis que j'ai vu ces photos en noir et blanc d'enfants vivant à moitié nus dans les neiges hivernales, car le touriste français, aussi pingre soit-il, n’a pas hésité à acheter la panoplie complète Quechua en Gore Tex, condition sine qua non à sa survie pendant l'été Patagonien. Mais à poil ou en polaire, nous sommes tous égaux face à l’immensité de cette terre, nous ne sommes rien. Nous ne sommes rien car personne ne nous voit alors il convient juste de se taire. Puis, lorsqu’on se tait, petit à petit, on se met tout doucement à voir, à entendre, à sentir et à ressentir… C’est à ce moment que la nature apparaît sous vos yeux ébahis et sous toutes ses formes parce qu’elle vous a oublié dans un coin de désert. What the hell ! Le désert grouille de bestioles sauvages ! Les lièvres et les renards vous matent derrière les bosquets, les autruches vous snobent et les guanacos vous aguichent du regard. Les flamands roses se désintéressent de votre teint pâle, le puma et le condor restent inapprochables… Soyons discrets…

J’entends un rire moqueur, est-ce la nature qui se fout de notre gueule ou le vent qui commence à nous donner des hallucinations auditives ? Je ne laisserai jamais un hôtelier étranger sans palais critiquer nos manières mais peut-on en vouloir à la nature de se fendre la gueule en voyant deux touristes français à bords d’une Ford Ka dégainant le Canon EOS 40D tous les 100 mètres à la simple vue d’un beau caillou ou d’un lama broutant une touffe d’herbe ? Il me semble que la réponse est claire… Non ! D’ailleurs nous ne lui en tenons pas rigueur car elle nous a offert en échange des paysages à couper le souffle, un lac contenant 220 milliards de m3 de flotte, un glacier couvrant une surface de 250 km², une route parcourant 4000 km… Ca vous parle ? Non, car il faut le voir pour savoir ce que cela représente. Ceux qui sont restés trop longtemps face au vent de Patagonie disent que cette terre est un songe, une terre de mystères et, de secrets dont on garde pour toujours l'énigmatique obsession. Sont-ils eux aussi devenus fous ? Je ne sais pas mais cette conclusion me plaît. Amis de la poésie, bonsoir.

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